Billets

Fiction et réalité

Rumeur, confusion, amalgame, la chasse est ouverte. Comme toujours, elle se situe dans un contexte : on ne vise pas par hasard le ministre qui conduit la réforme des retraites et avait, dans ses fonctions précédentes, déclaré la guerre à la fraude fiscale.

Comme toujours, elle génère son lot de sous-entendus et de déformations : Madame Woerth ne gérait pas la fortune de Madame Bettencourt mais, dans des conditions parfaitement transparentes, les placements des dividendes perçus au titre de ses participations dans l’Oréal.

Comme toujours, elle confine à l’absurde : les pouvoirs publics ne pouvaient pas se désintéresser de la situation de l’une des plus grandes entreprises mondiales dont le siège est en France. De la même façon, il faut condamner toute fraude, même marginale par rapport à la fortune de Madame Bettencourt, tout en se félicitant que la première contribuable privée de France n’ait jamais cherché à s’exiler fiscalement. Chacun conviendra, au moment où la France cherche à faire revenir des patrimoines fiscaux de l’étranger, qu’il ne faut pas non plus en perdre.

Pour le reste, dans ce conflit à l’origine familial, laissons la justice comme le fisc faire leur métier. Ces institutions fonctionnent dans le temps long. Elles étudient, comparent, confrontent et surtout offrent des garanties. Rien à voir avec un feuilleton à rebondissements programmés où, dans l’instant, tout se mêle, se mixe et se confond : une rumeur, une hypothèse, un fait, un montage, une manipulation. Cela s’appelle une fiction, comme par exemple faire tourner toute une histoire autour d’un ministre parce qu’il est en vue alors qu’il n’y a joué aucun rôle direct.

Une fiction est le contraire de la réalité.

Il faut toujours se féliciter de tout ce qui concourt à l’exemplarité des dirigeants quels qu’ils soient. Et il faut toujours se méfier des justiciers à la petite semaine, des règlements de compte démagogiques, des procès d’intention. Ils détournent des vraies questions, alimentent le populisme et son « tous pourris » préféré. Dans cet univers glauque, qui voudra encore demain s’engager dans la vie publique ?

Gaulliste

J’ai découvert le gaullisme enfant, dans une famille nombreuse et modeste qui révérait la France et admirait celui qui l’avait sauvée et relevée.

Membre de l’Action Étudiante Gaulliste à 16 ans et délégué de l’UJP (les jeunes gaullistes) à 18 ans, j’ai construit mon passage à l’âge adulte, ma citoyenneté, ma formation à la communication autour du militantisme.

Quarante cinq ans plus tard, je mesure la chance que nous avons eu d’accrocher notre char à une étoile, d’avoir donné le maximum de nous-mêmes pour un homme d’exception et servi notre pays. Il a rencontré l’histoire et il nous a donné, à notre place infime, l’opportunité d’y participer.

J’entends dire où je lis ici ou là que le gaullisme n’est plus d’actualité. Il serait mort avec le Général. Cela vaut certainement pour ceux qui lisent dans une boule de cristal et prétendent savoir ce qu’aurait fait Charles de Gaulle dans telle ou telle circonstance. Cela vaut aussi pour ceux qui s’en servent de cache-misère comme si l’ombre du grand homme pouvait masquer leur absence de consistance.

Les temps changent, les défis et les périls ne sont plus les mêmes, mais il y a tant de choses qui peuvent encore nous inspirer dans le gaullisme : les institutions, la place de la  France dans le monde, le moteur franco-allemand dans l’Europe, l’autorité de l’État, la volonté de réformer, la relation capital/travail plus que jamais d’actualité.

Nous devons savoir nous adapter en gardant l’éthique, l’idée même de servir, le sens de l’engagement, quel qu’il soit, pour une cause qui nous dépasse et donne un sens à notre vie.

Mais avant tout, il y a peut-être surtout cette idée du volontarisme, du refus de la fatalité comme de ce syndrome de la dépossession qui fait penser à certains que nous n’avons plus prise sur notre destin. La nostalgie de l’âge d’or n’est pas gaulliste. Il y a toujours « un pacte multiséculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde ». Cela tient à l’énergie de nos dirigeants comme à la volonté de chaque Français.

« Tout recommence toujours, ce que j’ai fait sera tôt ou tard source d’ardeur nouvelle » : plus que jamais, en ces temps difficiles d’adaptation de nos sociétés à un monde qui se réinvente, 70 ans après l’appel du 18 juin, 52 ans après la création de la 5ème république, restons des militants.

N’oublions jamais cette voix qui résonne encore pour une nation comme pour chacun d’entre nous : « la vie est un combat, le succès coûte l’effort, le salut exige la victoire ».

Parlez-vous le « Jean-François he Kahn » ?

Yes he can, il peut tout Jean-François Kahn, même transformer un dérapage en complot médiatico-politique. Si vous en voulez la preuve, lisez, cette semaine, sa tribune dans l’hebdo Marianne.

Il vilipende « les chiens couchants, le cabinet noir, les journalistes tenus en laisse » et même François Hollande, « intoxiqué », tous accusés d’avoir osé critiquer la comparaison faite par Martine Aubry entre Nicolas  Sarkozy et  Monsieur Madoff. Pour lui, c’est juste « une vanne », « pas un moment, ni de près ni de loin, même de façon allusive, elle n’a comparé Sarkozy à Madoff ».

Le problème, c’est que ce langage gère ses impasses. On pourrait penser qu’un penseur, même énervé, donne au lecteur l’information de base lui permettant de faire lui-même son propre jugement.

Mais Jean-François Kahn se garde bien de publier in-extenso la petite phrase en question.

Moi, je vous la livre, la déclaration de Martine Aubry, pour que justement vous fassiez jouer votre libre-arbitre et aussi vos connaissances grammaticales : « J’ai un peu l’impression, quand Nicolas Sarkozy nous donne des leçons de maîtrise budgétaire, que c’est un peu M. Madoff qui administre quelques cours de comptabilité ».

Chacun en tirera les conclusions qu’il souhaite, en particulier sur le respect de la fonction présidentielle. Pour en revenir à Jean-François Kahn, et si l’on comprend le français, il est difficile de ne pas considérer que Martine Aubry a, même « un peu », comparé le chef de l’Etat à Monsieur Madoff.

Mais le « Jean-François he Kahn » est un langage qui ne s’embarrasse pas de ces contraintes. Il définit un concept, un angle, comme l’on dit dans le journalisme, et masque ensuite la réalité pour s’y conformer. « Une manip « grosse comme un semi-remorque », selon l’une de ses expressions.

Une société du soin ?

Au moment où s’installe dans le débat public l’idée d’une France morose, déboussolée, enfermée dans un collectif déprimé, tétanisée par toutes les crises, voici que s’insinue la réponse possible d’une société du soin dans laquelle les sphères publique et privée se confondraient, le bon sentiment tiendrait lieu de projet, l’assistanat généralisé de politique publique et l’Etat de grand thérapeute.

J’ai déjà fait remarquer ici même le paradoxe assez spécialement français d’un « nous » collectif effectivement déprimé mais d’un « je » individuel beaucoup plus volontaire (toutes les enquêtes en attestent).

J’en veux pour nouvelle preuve la consultation de la jeunesse que le Gouvernement vient de réaliser, en partenariat avec Skyrock. Avec 250 000 réponses et 130 000 participants, autour de 333 sondages sur tous les thèmes, on trouve quelques raisons d’optimisme.

En effet, que nous disent les jeunes qui se sont exprimés librement ?

Des problèmes, oui, mais pas de renoncement.
Des critiques, certes, mais pas de rejet.
Des rêves mais pas des mirages.
Deux grandes attentes à l’égard de l’Etat :
– leur permettre de trouver de bons plans et des réponses concrètes,
– les aider à construire leur autonomie personnelle, à exprimer ce que cette génération a de plus volontaire.

Nous avons connu, voici quelques décennies, la tentation du nous collectif avec ses dérives vers le collectivisme, ses rêves de grand soir finissant en cauchemar.

Nous avons connu ensuite la tentation du repli sur soi-même, de l’individualisme, du moi-je, dominant, égoïste, au cœur sec qui rôde toujours.

La nouvelle génération peut promouvoir le moi-nous, s’accomplir individuellement dans un projet de vie qui soit respectueux des autres comme de la planète, dans une véritable communauté de destin.

C’est bien ce défi que la société tout entière doit aider la jeunesse à relever.

L’avenir de l’Europe

En 1950, Robert Schuman lançait la construction de l’Europe.

60 ans plus tard, un événement aussi considérable vient de se produire. L’Europe met en place un plan sans précédent pour faire reculer la spéculation et éviter que la crise grecque ne s’étende à d’autres pays. Préserver l’euro, c’est à cela que s’est employé, avec la réactivité et l’énergie qui le caractérisent, le Président de la République. C’est cette mobilisation qui devra être accompagnée par une action vigoureuse de lutte contre les déficits sans bien sûr casser la reprise.

Ce qui est en jeu, c’est bien le rêve des pères fondateurs de l’Europe, la paix, le marché commun, la stabilité financière qui ont fait tant de progrès en 60 ans.

La réaction des marchés, ce lundi, est positive. Les jours qui viennent diront si l’Europe a effectivement fait de cette crise un espoir.

Une dépression française

La plupart des enquêtes d’opinion nous montrent des Français au pessimisme persistant, voire amplifié. Le « nous » collectif est déprimé. Pourtant le « je » individuel est beaucoup plus volontaire : une majorité de salariés, de cadres, de patrons de PME se déclarent plutôt satisfaits de leur situation personnelle. Mais dès lors qu’on leur parle de la situation générale ou même de la façon dont ils perçoivent globalement celle des salariés, des cadres ou des patrons de PME, le tableau est beaucoup plus sombre.

La France se trouve ainsi dans une situation paradoxale. Elle a objectivement traversé la crise la plus grave de ces 50 dernières années dans des conditions moins défavorables que la plupart de ses voisins, et pourtant son moral collectif est plus atteint.

Il y a sans doute beaucoup d’explications.

Notre système de protection sociale est l’un des meilleurs du monde mais l’Etat providence qui laisse filer les déficits n’est plus finançeable nulle part. L’égalité figure au centre de notre devise nationale et rend d’autant plus insupportables les excès du système économique et financier.

Il y a aussi bien sûr le phénomène de halo de la crise. Elle obscurcit l’horizon, développe l’inquiétude, la peur du déclassement. Elle conduit même chacun, dans ses réponses aux sondages, à se mettre en conformité avec une ambiance morose. Ne pas se déclarer exonéré des effets de la crise, c’est une forme de solidarité au moins verbale avec les Français qui sont réellement les plus touchés.

Le moment viendra où il faudra bien inverser la tendance, tout faire pour la reprise, repartir de l’avant, moins épargner, consommer davantage, investir dans l’avenir… L’économie est aussi affaire de psychologie collective. Il appartient à la majorité des Français, cette fois-ci pour des raisons de solidarité active avec ceux qui sont les plus défavorisés et ont besoin de la relance, d’y prendre leur part. A l’Etat de tenir le cap : ne laisser personne au bord de la route comme on le fait pour les chômeurs en fin de droits, alléger les charges des PME pour favoriser l’investissement et l’embauche, continuer à réformer le pays (même quand les effets n’en sont pas immédiatement perceptibles) pour le mettre en situation d’une meilleure compétitivité.

Au fond d’eux-mêmes, les Français sont parfaitement conscients que cette crise est mondiale, que des efforts collectifs et individuels sont nécessaires pour s’en sortir. Là est peut-être l’essentiel : ne pas nier la crise, ne pas non plus s’enfermer dans un pessimisme qui nuira à la reprise et, surtout, porter un espoir de sortie de crise pour faire émerger un nouveau modèle de développement plus équitable et plus durable.

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