Ombres et lumières du web pour la communication publique et politique

Je viens de participer à un débat au Cristal festival de la publicité à Crans-Montana et suis heureux de partager  avec vous quelques réflexions que cet échange m’a permis d’exprimer.

Convenons d’abord que telle la langue d’Esope, le web porte le meilleur et le pire mais répond avant tout à un besoin. Jamais nous n’avons été mieux informés et même surinformés. Jamais pourtant les Français n’ont eu davantage besoin de s’exprimer, d’être entendus. Nous sommes dans une situation de surinformation et de sous-communication.

On ne peut pas traiter de la même manière la très grande variété de fonctions du web. Il y a les réseaux d’affinité du type « Les copains d’abord » ou Facebook, ce dernier, incontournable, commençant à être parasité par les identités détournées ou l’infiltration de réseaux. Il y a les blogs dont le développement est spectaculaire, le mode d’expression et de dialogue enrichissant. On trouve aussi tous les grands sites notamment médias, les portails de référence généralistes ou spécialisés et les forums autour desquels les échanges servent souvent d’exutoire, entre bile et bisbilles, se résumant régulièrement à « la communauté réduite aux  caquets » comme disait Louis Pauwels.

Les ombres sont nombreuses. La première est d’abolir, comme dans une immense émission de télé-réalité, la frontière entre vie publique et vie privée. On vient de le voir avec le licenciement  d’un salarié qui avait critiqué son entreprise ou la photo détournée d’un élu en maillot de bain. La seconde est la création d’un territoire incertain entre information et communication. Ce qui n’est pas au départ une information digne de ce nom pour les médias le devient du seul fait que ça buzz. Le mélange des faits et des commentaires accentue l’incertitude.

Troisième ombre au tableau, l’émergence de millions d’informateurs qui se prennent pour des journalistes (dont d’ailleurs ils se méfient) et qui diffusent souvent sans retenue, distance, déontologie, ni vérification des sources. Une autre ombre, au nom de la transparence, concerne l’exploitation de données confidentielles, d’enregistrements volés, de télégrammes diplomatiques détournés comme avec l’affaire WikiLeaks. Prenons garde à ce que la généralisation de ce type de procédé ne conduise à trouver banal de rentrer demain dans notre ordinateur ou notre portable.

Dernière ombre, la séparation de l’espace et du temps, la diminution de la contextualisation. On ne sait plus très bien d’où part le débat ni quel est son objectif, parfois même de quel sujet il s’agit, un échange en quelque sorte vidé de sens. Et pourtant, dans un monde de plus en plus complexe et de plus en plus fragmenté, se forger une opinion raisonnable devient un véritable challenge.

Face à ces menaces, il ne faut pas rester les bras croisés, ni évidemment imaginer que l’on reviendra en arrière, le web étant justement instantané, fluide, mobile, libre, y compris dans ses excès. Quant aux objets connectés, ils se compteront par dizaines de milliards dans un avenir proche. Il n’y a pas d’autre choix que d’y aller justement pour tirer le système vers le haut, y injecter de vrais contenus, donner du sens.

C’est un enjeu collectif qui concerne tous les citoyens, les intellectuels, les entreprises, les marques et bien sûr les sphères publiques et politiques.

J’ai déjà eu l’occasion, sur ce blog, de dire comment et pourquoi je me suis efforcé, à la tête de la communication gouvernementale, de contribuer à rattraper ce retard de l’État en multipliant les initiatives sur le net (consultations thématiques, fil.gouv, la plate-forme vidéo mutualisée de toutes les images en provenance des ministères et des opérateurs publics, plate-forme jeunes sur Skyrock, rationalisation des sites publics, France.fr, etc…).

Du côté politique,  nous avons également de sérieux progrès à faire. On cite souvent en exemple la campagne présidentielle de Barak Obama -la victoire embellit souvent les analyses- sans forcément aller chercher  les véritables innovations. S’il en est une qu’il faut retenir, c’est l’utilisation sophistiquée des technologies pour mobiliser, orienter et alimenter en instructions et argumentaires ciblés le militantisme sur le terrain.

L’enjeu est stratégique et passionnant. La puissance du réseau peut ainsi être mise au service de la proximité, d’un renouveau du militantisme pour aller au contact direct, humain, charnel de citoyens à convaincre et entraîner.

La technologie n’est plus synonyme de repli individuel mais d’ouverture, de citoyenneté et de ressourcement de la démocratie. C’est aussi ce que j’appelle tirer le système vers le haut.

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