Sondages

Un génération désenchantée ?

Une fois de plus une enquête d’OpinionWay, auprès des 15-24 ans, donne lieu à des commentaires plutôt pessimistes.

Effectivement 44% d’entre eux se disent angoissés quand ils se projettent dans l’avenir, les 3/4 estiment qu’il est compliqué de trouver un travail, la moitié un toit.

Pourtant  78% des jeunes se déclarent confiants dans leur capacité à obtenir ce qu’ils veulent dans la vie !

Cherchez l’erreur..

Une fois de plus cela corrobore la thèse que j’exprime dans mes livres, aussi bien  » le manifeste pour l’optimisme  » que  » les 101 mots de l’optimisme « . C ‘est le paradoxe français entre confiance individuelle et défiance collective. A mes yeux, il y a , pour beaucoup, une posture, un jeu de rôle, un effet miroir. Il ne s’agit pas de nier les difficultés mais en noircissant plus encore le monde qui nous entoure ,nous améliorons nos performances individuelles, en amplifiant les obstacles qui se dressent devant nous ,nous amplifions d’autant nos capacités à les franchir.

Comme disait à peu près Jules Renard, ça n’est pas le tout d’aller bien, encore faut il que les autres aillent mal.

Sans être un optimiste béat je vous propose donc de retenir de cette enquête non pas tant qu’il y a une crise, du chômage , des mal logés – difficile de l’oublier- mais que la jeunesse française à largement confiance en elle. Peut être est ce la moindre des choses quand on a 20 ans? En tout cas c’est souhaitable. Et vraiment réconfortant .

Un gros bémol

« Marine le Pen, le plébiscite ouvrier » titre le Journal Du Dimanche du 24 avril.
L’information provient d’un sondage Ifop/Paris-Match/Europe 1. La démonstration est apparemment éloquente : « La fille Le Pen recueille 36 % des voix chez les travailleurs (comprenez les ouvriers) ». Très loin devant Dominique Strauss-Kahn (17 %) et Nicolas Sarkozy (15 %).
Il y a juste un gros bémol (comme vient de le souligner très justement Le Canard Enchaîné). Dans un échantillon national de sondage comme celui qui a été réalisé, le nombre d’ouvriers interrogés est au maximum de 160, ce qui veut dire que « le plébiscite » de Marine Le Pen est basé sur la réponse d’environ 50 personnes.
Loin de moi l’idée de nier qu’effectivement Marine Le Pen réussit une percée notamment dans les classes populaires au détriment du Parti Socialiste et auprès des déçus du sarkozysme. Mais trop c’est trop. Il est temps d’arrêter cette exploitation abusive de données sommaires sans tenir compte des précautions méthodologiques expressément indiquées par les responsables des instituts y compris sur le sondage en question : c’est un résultat « à un moment donné » qui n’est pas prédictif du scrutin, et la marge d’erreur est d’autant plus importante que l’échantillon est faible.
Mais surtout, même dans cet univers où tout fait matière à vendre, à chercher le scoop, à privilégier le sensationnel, chacun devrait s’interroger sur la responsabilité qu’il prend non seulement à banaliser le Front National mais même à promouvoir Madame Le Pen.

Il y a comme des doutes

La position officielle du PS sur la réforme des retraites, avancée par Ségolène Royal sur France2, semble sans réserve : solennellement en cas de victoire de la gauche en 2012, la retraite à 60 ans sera rétablie.

Mais il y a quelques bémols. Dès aujourd’hui, l’âge moyen de départ à la retraite à taux plein est d’environ 62 ans. Dans son texte officiel sur les retraites, le PS évoque pudiquement « des dispositions prévues jusqu’en 2020 concernant la durée de cotisation ». Comprenez par là, la référence à la réforme Fillon de 2003 qui effectivement prévoyait un allongement de la durée de cotisation.

Dès lors, on se pose 2 questions :

  • Promettre le maintien de la retraite à 60 ans, n’est-ce pas s’accrocher, comme le déclare Terra Nova, think tank  proche du PS, à «un totem dont  la réalité va s’évanouir» ? La quasi-totalité des futurs retraités se prépare, dans tous les cas de figure, à travailler plus longtemps pour bénéficier d’une meilleure pension.
  • Faut-il croire à l’engagement, même solennel, d’abolir le passage à 62 ans, alors que le PS s’appuie aujourd’hui sur la réforme Fillon de 2003 sur laquelle il s’était aussi engagé à revenir ? Peut-être n’est-ce qu’une question de temps, le député PS Gaétan Gorce reconnaissant lucidement : « l’allongement de la durée de cotisation a été la solution trouvée en 2003. Nous avons mis du temps à nous y rallier ».

Un sondage IFOP pour France Soir vient de livrer des résultats surprenants. Entre Martine Aubry, Dominique Strauss Kahn et Ségolène Royal, la plus fidèle aux idées et aux valeurs de la gauche est de très loin Martine Aubry. Et le ou la plus capable de faire gagner la gauche à l’élection présidentielle est, de très loin, Dominique Strauss Kahn. Le paradoxe est encore plus fort auprès des sympathisants socialistes. Faudrait-il taire ses idées et ses valeurs pour avoir une chance d’être élu ?

Enfin, les sondages ne sont qu’une photographie partielle, à un moment donné, mais il en est un qui est passé presque inaperçu. Libé l’a publié il y a quelques semaines. En matière de confiance sur les questions de sécurité, il plaçait en seconde position, derrière Nicolas Sarkozy et devant les leaders socialistes, Marine Le Pen. J’entends parfois parler d’un 21 avril à l’envers (quand Lionel Jospin n’a pu figurer au second tour de l’élection présidentielle), c’est-à-dire opposant la gauche et le FN .Cette hypothèse, compte tenu de l’exceptionnelle fidélité de l’électorat UMP,  n’est pas crédible.

Attention, en revanche, à un 21 avril à l’endroit si le PS croit pouvoir se contenter de pilonner le Président et le gouvernement  sans se remettre en cause sur les questions de sécurité, d’immigration clandestine, ou avoir le courage d’assumer une réforme claire pour sauver les retraites.

Deux ou trois choses que je sais des sondages

Comme toujours, la polémique facile et la démagogie ambiante conduisent à toutes sortes d’amalgames et de confusions sur la communication, en général, et sur les sondages, en particulier.

Les sondages sont-ils nécessaires à la compréhension de l’opinion ? Evidemment. Pour prendre le pouls de l’opinion, comprendre ses attentes, analyser l’accueil fait à une annonce, à la perception d’une mesure ou d’une réforme, tester une campagne de communication pour l’orienter au mieux. La démocratie est construite sur le lien entre une offre politique et une demande citoyenne. Il faut entendre l’opinion par tous les moyens. En allant sur le terrain. Jamais un chef d’Etat, un Premier ministre et des membres du gouvernement ne se sont autant déplacés. En écoutant les parlementaires qui ont beaucoup de choses à dire en rentrant de leur circonscription. Et aussi en faisant des sondages comme le font tous les gouvernements depuis 30 ans.

Y-a-t-il trop de sondages ? Les études les plus nombreuses sont celles publiées par les médias, à raison de deux ou trois par jour en moyenne. On finit, c’est vrai, par ne plus s’y retrouver avec les cotes de popularité, de confiance, d’avenir, etc. qui jouent au yo-yo et d’ailleurs cachent l’essentiel. J’ai expliqué depuis longtemps que la popularité était fonction de l’instant, des humeurs, de l’actualité et bien sûr de la crise. L’essentiel, c’est la légitimité dans la durée, c’est la volonté et la crédibilité à réformer, l’aptitude à gouverner, la capacité à assurer la place de la France en Europe et dans le monde. Tout le monde fait des sondages, les gouvernements, les entreprises, les médias, les partis politiques. Qu’a fait le Parti socialiste pour animer un séminaire de « reconstruction » ? Un sondage.

Gouverne-t-on par les sondages ?
Cela voudrait dire que l’on suit l’opinion au lieu de l’entraîner, que la politique est avant tout du marketing et se traiterait comme un produit. Ce serait une politique à courte vue, sans espoir ni perspective. La plupart des réformes créent au début des incompréhensions, des insatisfactions. Il faut du temps pour concevoir, mettre en œuvre, justifier de résultats.

Si l’on gouvernait par les sondages, il n’y aurait pas eu 80 réformes. Le mot réforme ne serait pas entré dans le vocabulaire quotidien des Français et des médias (souvenez-vous, il y a encore trois ans c’était un mot rare). Et l’on repousserait la réforme des retraites à bien plus tard.

En revanche, pour essayer de s’expliquer dans les meilleures conditions, de communiquer le plus clairement possible, tout ce qui permet de prendre en compte en profondeur l’opinion est utile. C’est vrai notamment des études de toute nature, de l’analyse des médias, des débats sur internet, autant de sources qui éclairent les décideurs..

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