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Un gros bémol

« Marine le Pen, le plébiscite ouvrier » titre le Journal Du Dimanche du 24 avril.
L’information provient d’un sondage Ifop/Paris-Match/Europe 1. La démonstration est apparemment éloquente : « La fille Le Pen recueille 36 % des voix chez les travailleurs (comprenez les ouvriers) ». Très loin devant Dominique Strauss-Kahn (17 %) et Nicolas Sarkozy (15 %).
Il y a juste un gros bémol (comme vient de le souligner très justement Le Canard Enchaîné). Dans un échantillon national de sondage comme celui qui a été réalisé, le nombre d’ouvriers interrogés est au maximum de 160, ce qui veut dire que « le plébiscite » de Marine Le Pen est basé sur la réponse d’environ 50 personnes.
Loin de moi l’idée de nier qu’effectivement Marine Le Pen réussit une percée notamment dans les classes populaires au détriment du Parti Socialiste et auprès des déçus du sarkozysme. Mais trop c’est trop. Il est temps d’arrêter cette exploitation abusive de données sommaires sans tenir compte des précautions méthodologiques expressément indiquées par les responsables des instituts y compris sur le sondage en question : c’est un résultat « à un moment donné » qui n’est pas prédictif du scrutin, et la marge d’erreur est d’autant plus importante que l’échantillon est faible.
Mais surtout, même dans cet univers où tout fait matière à vendre, à chercher le scoop, à privilégier le sensationnel, chacun devrait s’interroger sur la responsabilité qu’il prend non seulement à banaliser le Front National mais même à promouvoir Madame Le Pen.

Une impression de malaise

J’ai appris à connaitre et à aimer l’Afrique depuis longtemps, et plus particulièrement durant les 5 années pendant lesquelles j’ai eu la responsabilité d’assurer la promotion de la Cote d’Ivoire en Europe. Cette mission s’est brutalement interrompue fin 1999, lors du premier putsch militaire qui a ouvert une longue période de déstabilisation et de déclin de ce pays phare pour toute l’Afrique de l’Ouest. Une partie du destin du continent et donc du monde se joue en Côte d’Ivoire, et personne de raisonnable ne peut se désintéresser des drames humains, économiques, sociaux, géopolitiques que la guerre civile a entraînés. Personne de raisonnable ne peut, non plus, refuser de se féliciter de la fin de la folie meurtrière qui a marqué la chute de Laurent Gbagbo.

Pourquoi, dans ces conditions, ressent-on une impression de malaise, alors même que notre pays a été exemplaire  dans son intervention pour mettre un terme à cette situation ? Parmi sans doute bien des raisons, je veux en aborder deux qui tiennent à la couverture médiatique des événements.

La grande question qui semblait obséder de nombreux  journalistes était de savoir si des soldats français étaient présents dans la résidence présidentielle lors de l’arrestation du Président sortant. C’est une question dérisoire face à l’enjeu d’arrêter les tueries. Mais tout fait matière pour vendre, pour chercher le sensationnel, pour alimenter la polémique. On ne demande pas forcement aux médias de souligner le volontarisme du Président de la République française mais peut-être devrait-on au moins saluer le rôle moteur de la France dans la construction d’une société-monde qui défend la liberté des peuples, les droits de l’homme et la paix. Peut-être devrait-on aussi louer la capacité de nos forces armées à agir en faveur de nos ressortissants et à protéger les populations civiles.

Une autre raison de ce malaise tient aux images de l’arrestation complaisamment diffusées par les télévisions. Images détestables d’un homme en maillot de corps s’épongeant les dessous de bras et d’une ancienne première Dame, qui paradait quelques semaines plus tôt et se trouve là, seule, hébétée, abasourdie face à son destin tragique.

Trop de persiflage d’un côté pour ne pas approuver l’action de la France, trop d’obscénité de l’autre pour exploiter le scoop.

Il est vraiment des circonstances dans lesquelles on rêve d’un journalisme positif et même, disons- le, citoyen.

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